De l'Arsenal de mesures de droite : Gala et galéjades.

Publié le par Philippon le Papillon

L’université Toulouse 1- Capitole a organisé, hier, en son sein, la sémillante soirée annuelle de fin de premier semestre. Entre orgie et vigie, le formidable raout étudiant a conforté l’Arsenal dans ses particularités. Reportage sur la fac de droite. De l’autre côté des barbelés.

 

 

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3h15. Je suis bourré. C’est donc le gosier soumis à l’addiction, que je m’apprête à me finir dans un artifice de strass et de paillettes. « Le Gala des sciences sociales ». Autoproclamée, « meilleure soirée étudiante de l’année », la soirée déroule sa grâce dans les locaux même de l’UT1. Animé par le succès démonstratif de l’année passée, les précepteurs de la célébration, « mêlant les institutionnels [sic], l’administration, le personnel et les étudiants », ont décidé de salir une nouvelle fois le hall d’entrée de l’institution. « Faut être sappé, mais à l’intérieur c’est sex, drogue & rock’n’roll », me confie un étudiant refoulé. Ah ouais ? Ca répond pas vraiment à l’image que j’avais de son altesse l’Arsenal. Je suis pas vraiment en "tenue de gala exigée" non plus,  alors pour reporter de l’intérieur, rien de mieux qu’un coin fumeur. Sur le chemin pour contourner l’établissement, je croise une bagnole estampillée « Association Départementale de la Protection Civile » (ADPC). Peu amène sur le vocable, je me dis que c’est pour soigner les cadavres éthyliques. Dans mon champ de vision : des fumeurs forcement, des barrières forcement, cinq vigils. Hallucinant.

 

A chaque entrée susceptible d’être violée, se tient une masse, brassard rouge de sécurité proéminent. Chaud. Je tape une clope avec un des membres de l’ADPC qui m’explique qu’ils sont mandatés par la corporation de la fac, « chargés d’assurer la sécurité de toutes personnes se trouvant dans le périmètre établie par l’organisation ». Le mec est cool. Mais j’ai pas de billet. Je peux pas rentré. Je suis hors-périmètre. Ma sécurité il s’en fout. De mon insistance, il s’en balance. D’abord hébété (qu’est-ce que c’est que cette fac qui se dote d’un système hortefesque ?), je me dirige vers le hall d’entrée pour en savoir plus sur un dispositif qui pue le derby de foot. Un mec monté sur Méphisto, costard à épaulettes et cravate trop grande se tient devant un guéridon sur lequel sont disposées des listes. Flanqué d’une sentinelle de 120 kgs, il explique à un parterre d’étudiants bourrés que « pas de cartons, pas cartons ». Inflexible, il renvoie d’un revers de langue tous les étudiants apatrides qui tentent, comme moi, de se finir dans la mondanité.

 

A grande mesure de vin mousseux

Mains jointes, le vocabulaire qu’il emploie frise le texte appris par cœur .L’insistance des requêtes confirmant l’impression. Après une élégante courtoisie d’usage, lorsque le texte ingurgité touche à sa fin, les mains se disjoignent et la langue, si délicate initalement, fourche. La faconde des prétoires laisse alors place à la gouaille des bas-fonds. L’agacement gagne la tempe droite du maître de cérémonie, se formalisant physiquement par une petite veine gorgée de fiel, qui répond au rythme des palpitations cardiaques. A tout moment, le mec part en sucette. Fort d’un savoir naturel en psychologie et l’alcool aidant, je m’avance alors pour avancer, à mon tour mes doléances. Ca va péter. « Nous avons des réservations à trois noms, s’il vous plaît ». Ca va péter. «  Nous ne prenons pas de réservations ». « A quoi servent vos listes alors ? ». Ca va péter. « De toute façon, vous n’êtes pas en tenue ». Et voilà comment le fiel contenue dans une partie localisée du corps, se libère dans toute son étendue. On en arrive à des phrases passionnées, irréfléchies, déraisonnées. C’est vrai quoi. C’est dommage.

 

En même temps, gageons que le mec a le rôle du pigeon. Franchement contrôler l’identité des personnes à trois grammes, de 00h00 à 5h00, c’est pas cool. Pendant que nous parlons, un flow perpétuel de personnes torpillés aux vins blanc, bourlinguent de part et d’autre du guéridon. Les mecs s’éclatent la gueule sur l’asphalte après une marche ratée. Le vigil fume. Pépère. De ma position, j’aperçois le panoptique d’une jeunesse dégingandée qui se démonte à grande mesure de vin mousseux. Plus bas, des étudiants en errance éthylique, aux pas malhabiles, cherchent un buisson pour raoul. Enfin, la tourbe démunie qui, par le truchement d’un cyborg zélé jusqu’au prépuce, est  blackboulée au delà des confins du fief vespéral.

 

Ou l’illustration parfaite d’un Arsenal de mesures umpistes : le principe de sélection sublimé par l’apparence et la propriété (d’un carton CQFD), le manque d’humanisme criard en laissant des corps gésir aux portes de l’établissement et la condescendance manifeste devant un parterre de gens démunis, souhaitant jouir des mêmes privilèges que la haute. Le tout larvé dans les paroles d’un ersatz de porte-parole du gouvernement qui serine un discours savamment appris. Parfois, il suffit de relater un évènement sans grande importance pour s’apercevoir que le système en place se reproduit, à une échelle inférieure, tout près de chez nous. Et de conclure : «  Putain de fac de droite ! ».

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L’humeur polémico-déductive de l’anarcho-syndicaliste :

 

N’en déplaise aux sceptiques, on ne dit pas « Je suis en fac de droit » mais « J’étudie à l’Arsenal ». Connotation solennelle qui confère à l’établissement un piédestal suffisant, à partir duquel il toise, avec dédain, le bas peuple s’égarer dans les méandres des facultés populaires : le Mirail et Paul Sab’. Soucieuse de construire « une marque », l’université Toulouse 1 – Capitole se complait dans la comparaison, récupérant au passage le débat flétri de la compétition universitaire.

 

« L'enseignement supérieur et la recherche se situent aujourd'hui dans un contexte de concurrence qui dépasse largement le cadre national. Nous avons su faire de notre université un pôle d'excellence largement reconnu, nous devons répondre aux contraintes de communication et d'image qu'implique ce climat de compétition. Pour cela nous voulons construire une véritable "marque" qui soit la clé de voûte de notre communication. »*

 

C’est dans sa propension à exalter la compétition, le mérite et l’élitisme que l’établissement assoit sa souveraineté. Par les valeurs qu’elle promeut, mais surtout par les disciplines qu’elle encadre, l’université du Capitole a fantasmé les débouchés idoines à l’assurance d’un avenir professionnel quiet. A grande mesure d’auto proclamation, l’Arsenal a promu le droit, l’économie et la gestion comme le triptyque achevé de la réussite, faisant de ces trois disciplines le corrélat ad-hoc des exigences que comporte la société actuelle. Dans le sillage d’un capitalisme niais, l’établissement forme alors un citoyen reproductible, assigné à une vocation confortable. Confort, qui est, a fortiori, le prédicat d’une vie professionnelle épanouie.

 

« Elle est très tournée vers la professionnalisation des études, ce qui permet à ses étudiants de s'insérer dans la vie active de façon tout à fait remarquable lorsqu'on compare les taux d’insertion et les niveaux de rémunération des jeunes diplômés avec ceux des structures de formation comparables. ».

 

Se gargariser des taux de rémunération des jeunes diplômés s’inscrit-il dans le carcan de l’université ? N’y-a-t-il pas un hiatus entre le modèle de la fac, symbole d’équité et de promotion sociale, et le choix de faire de l’argent une vitrine ou un critère de considération ? Mais, pardon, revenons au début. L’université Toulouse-1 Capitole n’est pas une faculté. En filigrane, l’Arsenal prend en compte ses propriétés, condition de sa pérennité. Néanmoins, sur le terreau de l’entrée post-bac, la fac de droite totalise l’étudiant dans une conception oligarchique qui le place dans l’épure d’une tradition (donc une reproduction) canonique, dogmatique et clanique.


Alors de son trône, le souverain veille à son autarcie, avilissant ses sujets et dénigrant ceux qui s'écarte de sa suzeraineté mais qui, sous le joug du sceptre de la régence, sont contraints à la génuflexion. Révérence aux seigneurs du droit, de l’économie et de la gestion. Révérence aux puissants. Révérence aux justes. Courbette à Jean Sarkozy, avatar du bien-fondé de ce pouvoir. Le Prince. Vivat !

 

*Citation empruntée au site de la suprême université : http://www.univ-tlse1.fr/46439680/0/fiche___pagelibre/&RH=UfrDroit&RF=FR_01. Merci mon roi.

 

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Publié dans Société

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